Intel Inside : 40 Ans d'Innovation

1. Historique Pré-P6

L'histoire des processeurs Intel remonte à 1982 avec l'introduction de l'Intel 286, premier processeur 16 bits de la société. Ce dernier a introduit le mode protégé, permettant l'adressage de mémoire sur 24 bits (16 Mo) et la protection de la mémoire pour le multitâche. Cadencé de 6 à 25 MHz, il a ouvert la voie aux architectures plus avancées qui suivront.

En 1985, Intel lance le 386, son premier processeur 32 bits. En plus d'un jeu d'instructions 32 bits et d'une unité de gestion de mémoire (MMU) pour la pagination et la segmentation, le 386 ajoute le mode virtuel 8086, permettant l'exécution simultanée de plusieurs systèmes d'exploitation. Avec des fréquences allant de 16 à 33 MHz, il représente un grand pas en avant par rapport à son prédécesseur.

L'Intel 486, introduit en 1989, intègre pour la première fois le coprocesseur mathématique (FPU) directement dans le processeur, ainsi qu'un cache L1 sur puce. Son pipeline à 5 étages permet de doubler les performances par rapport au 386 à fréquence égale. Décliné en variantes DX (avec FPU) et SX (sans FPU), il atteint des fréquences de 25 à 100 MHz.

En 1993, le Pentium marque l'entrée d'Intel dans l'ère des processeurs superscalaires. Grâce à son pipeline à double dérive (u-pipe et v-pipe), il est capable d'exécuter deux instructions par cycle. Il introduit également les instructions MMX pour le multimédia. Avec des fréquences de 60 à 200 MHz, il existe en versions avec et sans MMX.

2. Architecture P6

2.1 Pentium Pro (1995)

Basé sur la nouvelle architecture P6 et gravé en 500 nm, le Pentium Pro est le premier processeur Intel à implémenter un pipeline à 14 étages avec exécution out-of-order et prédiction de branchement dynamique. Son cache L1 de 8 Ko (instructions) + 8 Ko (données) est complété par un cache L2 intégré de 256 Ko à 1 Mo. Visant principalement les serveurs et stations de travail, il excelle sur les charges de travail complexes. Ses fréquences s'échelonnent de 150 à 200 MHz, avec un bus de 60 à 66 MHz.

2.2 Pentium II (1997)

Gravé en 350 nm, le Pentium II fonctionne de 233 à 450 MHz. Il introduit le Slot 1 (carte fille) pour un cache L2 de 512 Ko fonctionnant à la moitié de la fréquence du processeur, ainsi que les instructions MMX pour le multimédia.

2.3 Pentium III (1999)

Initialement gravé en 250 nm, puis en 180 nm en 2000, le Pentium III opère de 450 à 1400 MHz. Il ajoute les instructions SSE (Streaming SIMD Extensions) pour les calculs à virgule flottante. Ses variantes Tualatin (2001), gravées en 130 nm, intègrent un cache L2 de 256 Ko, puis 512 Ko.

3. Architecture NetBurst et Abandon

3.1 Pentium 4 (2000)

Introduisant la nouvelle architecture NetBurst et gravé successivement en 180, 130, 90 et 65 nm, le Pentium 4 mise sur un pipeline profond (20 à 31 étages) pour atteindre des fréquences élevées (1.3 à 3.8 GHz), au prix d'un IPC réduit et de latences accrues. L'Hyper-Threading, introduit en 2002, vise à améliorer l'occupation des unités d'exécution. Le Pentium 4 ajoute progressivement les jeux d'instructions SSE2 (2001), SSE3 (2004) et EM64T (2004) pour l'extension 64 bits.

3.2 Raisons de l'Abandon

Malgré son pipeline long et ses hautes fréquences, le Pentium 4 peine à rivaliser avec l'Athlon 64 d'AMD en termes de performances, notamment en virgule flottante. Sa consommation et sa dissipation thermique élevées limitent les fréquences atteignables, tandis que son architecture s'avère peu adaptée aux charges de travail réelles. Ces facteurs conduiront Intel à abandonner NetBurst pour revenir à une approche dérivée de P6.

4. Le Pentium M et la Transition vers l'Architecture Core

4.1 Pentium M (2003)

Développé à l'origine pour les ordinateurs portables, le Pentium M est basé sur une version améliorée de l'architecture P6, optimisée pour offrir un meilleur rapport performance/consommation. Gravé en 130 nm (puis en 90 nm pour les modèles Dothan en 2004), il fonctionne de 900 MHz à 2.26 GHz avec un FSB de 400 à 533 MHz. Le Pentium M introduit plusieurs améliorations, notamment un pipeline à 12 étages plus efficace, une prédiction de branchement améliorée et un cache L2 de 1 Mo.

Conçu pour équilibrer performances et efficacité énergétique, le Pentium M intègre des technologies de gestion de l'alimentation avancées, telles que le contrôle dynamique de la tension et de la fréquence (Enhanced SpeedStep) et le C1E (Enhanced Halt State) pour réduire la consommation au repos. Son succès dans les ordinateurs portables, en particulier au sein de la gamme Centrino d'Intel, a démontré l'importance croissante de l'efficacité énergétique et a influencé la conception des futurs processeurs grand public d'Intel.

4.2 L'Héritage du Pentium M : Core et Core 2

L'architecture du Pentium M a servi de base pour le développement de la microarchitecture Core, qui allait remplacer NetBurst dans les processeurs grand public d'Intel. Le projet Yonah, lancé en 2006, a adapté le design du Pentium M pour créer des processeurs double cœur énergétiquement efficaces, commercialisés sous le nom de Core Duo (pour les systèmes mobiles) et Core Solo (pour les systèmes à faible consommation).

La même année, Intel a introduit l'architecture Core 2, une évolution de la microarchitecture Core intégrant des améliorations issues du projet Merom. Disponible en versions mobile et de bureau, la famille Core 2 comprenait des modèles double et quadruple cœur, offrant des performances supérieures et une meilleure efficacité énergétique par rapport aux processeurs NetBurst.

Le succès des architectures Core et Core 2, héritières du Pentium M, a marqué la transition d'Intel vers des processeurs plus efficaces et a posé les bases des futures innovations de la société, depuis Nehalem jusqu'aux architectures modernes.

5. Évolution vers Nehalem et les Architectures Suivantes

5.1 Nehalem (2008)

Gravée en 45 nm et fonctionnant de 1.6 à 3.33 GHz, l'architecture Nehalem réintroduit l'Hyper-Threading (jusqu'à 2 threads par cœur) et apporte des améliorations significatives, telles que le contrôleur mémoire intégré, le cache L3 partagé, le Turbo Boost (augmentation dynamique des fréquences) et les instructions SSE4.

5.2 Sandy Bridge (2011)

Gravée en 32 nm, l'architecture Sandy Bridge introduit les instructions AVX (Advanced Vector Extensions), un GPU intégré et la technologie Turbo Boost 2.0 plus flexible. Elle fonctionne de 1.6 à 3.4 GHz (3.8 GHz en Turbo) avec un TDP de 17 à 95W.

5.3 Ivy Bridge (2012)

Gravée en 22 nm avec des transistors 3D Tri-Gate, Ivy Bridge optimise l'architecture Sandy Bridge avec des fréquences de 1.4 à 3.5 GHz (3.9 GHz en Turbo), des GPU plus puissants et un TDP de 13 à 77W.

5.4 Haswell (2013)

Également gravée en 22 nm, l'architecture Haswell vise une meilleure efficacité énergétique avec de nouveaux états de veille (C6/C7), le contrôle fin de la tension et des fréquences, et les instructions AVX2 et FMA3. Elle opère de 1.3 à 3.5 GHz (3.9 GHz en Turbo) avec un TDP de 11.5 à 84W.

5.5 Broadwell (2014)

Première architecture gravée en 14 nm, Broadwell se concentre sur l'efficacité énergétique avec un TDP réduit (4.5 à 65W) et des fréquences allant de 0.8 à 3.3 GHz (3.7 GHz en Turbo). Elle introduit des instructions cryptographiques et des extensions TSX (Transactional Synchronization Extensions).

5.6 Skylake (2015)

Également gravée en 14 nm, l'architecture Skylake apporte des IPC améliorés, des contrôleurs DDR4 et PCIe 4.0, un meilleur Turbo Boost et une extension de l'Hyper-Threading à la gamme mobile. Elle fonctionne de 1.6 à 4.0 GHz (4.2 GHz en Turbo) avec un TDP de 4.5 à 95W.

6. Technologies et Innovations Récentes

Depuis Skylake, Intel a continué à affiner ses architectures avec Kaby Lake (2016, 14 nm), Coffee Lake (2017, 14 nm), Cannon Lake (2018, 10 nm) et Ice Lake (2019, 10 nm). Ces générations ont progressivement augmenté les cœurs et les threads, introduit les instructions AVX-512 et amélioré les performances des GPU intégrés.

En 2021, Intel a lancé l'architecture hybride Alder Lake gravée en 10 nm Enhanced SuperFin (rebaptisé "Intel 7"). Combinant des cœurs performants (P-cores) et des cœurs efficaces (E-cores), elle vise à optimiser les performances single-thread et multithread. Alder Lake prend en charge les instructions AVX-512, le PCIe 5.0 et la DDR5.

L'architecture Raptor Lake (2022, Intel 7) a peaufiné Alder Lake avec plus de cœurs E, un cache L2 doublé et un Turbo Boost amélioré. Meteor Lake, attendue fin 2023, introduira une conception modulaire (chiplets) avec des tuiles de calcul gravées en Intel 4 (7 nm) et une tuile GPU en Intel 3 (5 nm).

Conclusion

Au fil de quatre décennies d'innovation, Intel a constamment repoussé les limites de la technologie des microprocesseurs. Des premiers processeurs 16 et 32 bits aux architectures modernes à haute efficacité énergétique, en passant par les avancées majeures que furent le pipeline, l'exécution out-of-order, le multi-cœur et l'intégration du GPU, les processeurs Intel ont joué un rôle central dans l'évolution de l'informatique moderne.

Le Pentium M et son influence sur les architectures Core et Core 2 ont marqué un tournant décisif pour Intel, démontrant l'importance croissante de l'efficacité énergétique dans la conception des processeurs grand public. Cette approche a ouvert la voie aux innovations ultérieures, depuis Nehalem jusqu'aux architectures hybrides actuelles.

Aujourd'hui, face à une concurrence accrue et à la loi de Moore qui atteint ses limites, Intel explore de nouvelles voies pour continuer à améliorer les performances et l'efficacité de ses processeurs. L'architecture hybride introduite avec Alder Lake et les futurs designs modulaires de Meteor Lake témoignent de cette volonté d'innovation, qui devrait permettre à Intel de rester un acteur majeur du secteur des microprocesseurs dans les années à venir.